ACTE I: l’adrénaline du vendredi soir
1) Seule au volant, je me suis laissé embarquer sur la file de droite sur Folsom street, celle qui oblige à tourner à droite.
2) Mon cerveau reçoit coup sur coup quatre messages de détresse très rapprochés :
- je me trouve engagée sur une bretelle qui file tout droit vers le Bay Bridge
- Il s’agit d’une ligne de car-pool (interdite aux voitures qui ne transportent pas 3 voyageurs au moins)
- un panneau précise que l’amende correspondant à l’infraction est de 271 $.
- il y a deux policiers dans le virage.
ACTE II : DPT : Department of Parking and Transportation
1) La rumeur française circule chez les Français : demander à passer en tribunal pour défendre sa cause permet souvent une remise partielle de peine. Forte de ma bonne foi au moment de l’erreur, je me rends au DPT .
2) Après une heure de queue, un employé charmant juge ma demande recevable, me fixe une date de comparution qui ne pourra être changée et me propose un interprète pour la comparution. Non merci. Il finit en disant à la cantonade " Vive la France ! ". Personne ne bronche.
ACTE III : Trois mois plus tard chambre A du tribunal.
1) Entrée et attente dans l’antichambre de la salle d’audience pour lire les consignes affichées “On ne mange pas, on ne boit pas, on ne parle pas, on ne dort pas, on ne lit pas, on ne mange pas de chewing gum dans la salle d’audience”.
2) Dans la salle d’audience, tous les présents, une cinquantaine, jurent collectivement (juge et assistante compris), main droite levée, face au drapeau, de dire la vérité etc..
3) Seule devant le juge, à la barre, il faut répondre à la délicate question : "Plaidez vous coupable ou non coupable? "
Sans dire ni oui ni non, je raconte mes malheurs dans un anglais qui se veut lent, difficile: pas vu, pas compris. Les Bidochon au tribunal.
La juge est hilare, j’ai gagné.
— Je vous ramène l’ amende à 136$. Vous avez un peu de temps libre?
— ???
— Je vous donne la possibilité de remplacer l’amende par 14 heures de travaux d’intérêt public proposés par le projet 20.
Couplet final gentiment paternaliste avant que je quitte la barre :
— Mais rappelez-vous, les car-pool lane, ça n’existe pas en Europe, mais c’est ici que vous conduisez... Bonne fin d’après-midi.
ACTE IV : au projet 20 dans le quart d’heure qui suit.
Je remplis les formulaires où je dois préciser s’il s’agit d’une mise à l’épreuve avant la prison (délinquants primaires), de réinsertion à la sortie de prison ou d’une amende de circulation.
Le travailleur social a le physique de l’emploi : noir, mal rasé, cheveux grisonnants, une veste de cuir fatiguée, la voix et le sourire chaleureux : il me demande mes points forts.
Il tape sur son ordi “french, education”, la machine crache “société de bienfaisance française”.
Je dispose de trois mois pour y faire ces quatorze heures de service bénévole.
Le travail consistera en des recherches sur des sites français sur Internet.